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La poterie de Saint-Porchaire : plus de mille ans d'histoire

teaser poterie

Saint-Porchaire est aujourd'hui un quartier de la ville de Bressuire. Situé à 4 km du centre ville c'est, jusqu'à la seconde moitié du XXème siècle, un village de quelques centaines d'âmes, entouré de taillis, de champs et de bois. Deux argiles s’extraient facilement, une argile rouge, malléable, plastique, facile à travailler et une argile blanche, kaolinique, moins plastique, plus difficile à travailler et à tourner. L'eau est abondante. Les conditions naturelles sont donc favorables pour créer des poteries. C'est pendant le règne de Charles le Chauve, vers 845 ap. J.-C que datent les premières traces des potiers à Saint-Porchaire.
fragment platAu cours des siècles, ces artisans ont produit des pièces de terre différentes, par leur usage comme par la variété de leur technique de création. L'immense majorité de ces pièces est constituée de poteries utilitaires. Selon la technique de fabrication, il est possible de distinguer grossièrement trois grands types. La céramique commune (IXème – XXème siècles) est une poterie peu sophistiquée avec un décor restreint ou absent. Elle est est généralement employée pour les activités domestiques telles que la cuisson des repas. L' "orfèvrerie de terre" (milieu du XVIème siècle) est une céramique de grand luxe produite pour l'entourage royal mais sa localisation à Saint-Porchaire n'est pas complètement assurée.
assiette calotteEnfin, la faïence stannifère (XVIIIème – XIXème siècles), qui consiste à poser sur une pièce d'argile un revêtement vitrifiable à base de silice et de plomb rendu opaque par l'adjonction d'étain, est un produit de "semi-luxe" au moment où une manufacture est créée à Saint-Porchaire en 1771.
De larges pans de la production demeurent indatables, faute de sources écrites ou de découverte en contexte archéologique bien daté. L'histoire des potiers à Saint-Porchaire reste à faire. Le texte ci-dessous se veut donc être simplement un reflet des connaissances et hypothèses actuelles sur les "pots de Saint-Porchaire".

LA CÉRAMIQUE COMMUNE
pot cuireLes fouilles qui ont précédé la création de la 2x2 voies contournant Bressuire ont révélé en 1994 un établissement rural qui disposait d'un atelier de potier et d'un four qui datent des années 845 ap. J.-C. [1]. Les archéologues ont découvert les tessons de plus de 480 objets en terre cuite [2]. Ce sont des objets de la vie quotidienne fabriqués essentiellement à l'aide d'un tour : vases, pichet, pots à cuire, pots à conserver les aliments... Ils sont en argile blanche, assez fine avec des parois peu épaisses. La majorité sont des pièces de formes globulaire à lèvre large sans anse, que l'on appelle "oule" et qui sont destinées au stockage et à la cuisson (cf article dans la revue HPB du XX).
Quelques unes ont les bords perforés de trous symétriques pour permettre une suspension au-dessus de foyer. Mais pour l'essentiel ces pièces sont destinées, comme en témoignent les traces de suie, à demeurer en permanence dans l'âtre à mijoter et à ragôuter. Les cuisiniers ou plus vraisemblablement les cuisinières de La Ferrière braisent ou font bouillir et semblent rarement rôtir ou frire les mets, d'où la rareté des ustensiles destinés à cet usage : seul un poêlon a été découvert.
pot cuire 1pot cuire 2Les potiers ont créé aussi des petites cruches à bec verseur, des jattes, des bassins à bonde (inédit dans l'ouest de la France pour cette période) mais aussi des jarres qui étaient enterrées et qui faisaient office de silos, permettant ainsi la conservation d'aliments comme les céréales pendant plusieurs mois.
Les pièces retrouvées sont simples mais de bonne qualité. Leur niveau d'exécution exige de l'habileté et un grand savoir-faire. C'est pourquoi il nous semble difficile d'imaginer une production réalisée par un potier occasionnel.
Par la suite, et pour six siècles, les archives comme l'archéologie demeurent muets sur l'existence éventuelle de potiers et de leurs fabrications à Saint-Porchaire.
potPourtant, des objets en terre cuite ont été fabriqués autour de Bressuire, mais où ? A titre d'exemple, le musée de Bressuire conserve une lampe et un flambeau découverts à Bressuire et datés des XI-XIIème siècles. La première est élaborée avec une argile orangée micacée et la seconde avec une argile blanche plus fine. Proviennent-t-il du même atelier qui aurait utilisé plusieurs types d'argiles ?
A ce jour, aucun vestige de four médiéval n'a été découvert dans le village de Saint-Porchaire. En revanche, il est certain qu'il y existait une production de terre cuite au milieu du XVème siècle. En 1445, une quittance de rentes de la fabrique (assemblée chargée de l'administration des biens de la communauté paroissiale) mentionne trois potiers : Jehan Morin, Colas Conin ou Corin et Perrot Combaut, ainsi qu'un "grand four" qui devait être partagé par les potiers. Ce texte tend à montrer qu'il existait une professionnalisation de l'activité de potier correspondant à une demande nouvelle de produits céramiques plus sophistiqués, générée par un dynamisme économique faisant suite à la Guerre de 100 ans [3].
buieCelle-ci s'exprimait par l'instauration de nouveaux usages autour de la table pour les classes aisées. Les ustensiles de bois (coupes, petites tasses) et la vaisselle de cuisson en argile réfractaire (coquemars, pots divers) disparaissent vers les cuisines et sont remplacés par la céramique très blanche aux parois fines La table accueille désormais des céramiques fines à glaçure verte comme la tasse quadrilobée à deux anses décorée d'un liserai de vert, ou encore une petite cruche à usage personnel [4].

pichetLes deux siècles suivants, les potiers de Saint-Porchaire continuent de produire des objets à partir de l'argile blanche recouverte de glaçure verte. Ils semblent même élargir leur gamme. Ils proposent désormais des cruches, des tonnelets et des gourdes. Toutefois, aucune production "artistique", s'il y en eut, ne nous est parvenue. La glaçure qui compose le seul décor est posée à l'aide d'un pinceau ou saupoudrée. A l'intérieur, elle étanchéifie et isole les parois en terre du contact direct avec les aliments. Ainsi les pots ne gardent plus le goût des plats précédents qui y avaient été cuits. C'est un progrès technologique et gustatif, qui perdurera jusqu'au début du XXème siècle.

Durant les XVIIème et XVIIIème siècles, les artisans-potiers de Saint-Porchaire paraissent adapter leurs productions aux demandes nouvelles de la population. Comme en Saintonge, la terre cuite blanche à glaçure verte destinée essentiellement au service du repas et de la boisson semble vivre ses derniers feux. A son tour, elle quitte la table des intérieurs aisés pour être remplacée par la faïence, si belle, si propre avec son blanc éclatant. Elle n'est pas reprise par les intérieurs modestes ni dans les cuisines. Ayant perdu son utilité car résistant mal aux chocs physiques et thermiques, elle disparaît progressivement au profit de pièces moins raffinées (moins pures), mais plus solides. Les potiers semblent se concentrer sur une production de pots à panse globulaire à ouverture étroite qui, dans l'état actuel de nos connaissances ne va guère varier jusqu'au XXème siècle. Aucun n'a été découvert en contexte archéologique et il est assez hasardeux de vouloir les dater. Ces productions possèdent une ou deux anses, avec une paroi épaisse, souvent un bec verseur plat de forme triangulaire et une glaçure verte à l'intérieur. Elles sont peu soignées : les coulures sont fréquentes, l'argile est très chamottée (de gros fragments de dégraissant subsistent dans la pâte) mais elles sont bien adaptées à l'usage auquel on les destine : la cuisson et la manipulation. Il est à remarquer que leur tournage nécessite une très bonne habileté. Ils ne peuvent donc être réalisés par des potiers occasionnels.
Les intérieurs de quelques pots sont enduits d'une couche d'engobe d'argile blanche avant glaçure. Cette technique améliore l'adhésion de la couverte et renforce l'étanchéité du récipient. Elle a aussi pour heureuse conséquence de donner un vert profond et presque lumineux à la glaçure.
vasesaliereA côté de l'écrasante production de pots, les artisans-potiers ont créé des pièces plus variées dont les caractéristiques (type de terre, formes...) nous autorisent à les attribuer aux productions de Saint-Porchaire : lèche-frite (pour recueillir les jus lors du rôtissage), plats circulaires à ailes, poêlons, réchauds, terrine à pâté (signée par un potier de Saint-Porchaire), épi de faîtage et quelques objets énigmatiques dont un ensemble assiette/faisselle ou encore un vase servant probablement de décor d'autel, découvert dans une ancienne poterie.
La quantité de pièces produite est importante puisque l'on dénombre en 1789 dix-sept poteries qui réalisent chacune 8 à 9 fournées par an [5]. En se référant à d'autres régions, il semble que plus d'une demi-douzaine de fournées annuelles représente une charge de travail suffisante pour faire vivre une seule famille. A Saint-Porchaire, au moins 17 familles devaient donc vivre de la production de pots.

petit vaseterrine2Les Guerres de Vendée n'épargnent pas le village. Des ateliers et la faïencerie sont incendiés et plusieurs potiers disparaissent dans la tourmente. Presque tout le village est à reconstruire. En l'An 1801, il n'existe plus que douze poteries [6] et seulement sept en 1860 [7]. Les artisans résistent et tentent de s'adapter encore. Ils utilisent à partir du milieu du siècle le minium, moins toxique que l'oxyde de plomb pour créer la glaçure. On note aussi l'apparition de la couleur orange sous la glaçure, peut-être pour égayer leurs céramiques. Étonnamment, alors que les productions industrielles se répandent dans toute le pays avec leurs produits plus légers, plus colorés et aussi solides, les céramiques de Saint-Porchaire, malgré leur rusticité, intéressent encore des clients au-delà du département. Dans les années 1840-1855, Pascal Godrie qui produit des pots, des réchauds et des assiettes exporte ses marchandises à Angers, Saumur, Malicorne, Vihiers, Brissac en Vendée, Luçon, Fontenay-le-Comte... [8]. D'autres marchands viennent acheter sur place et parfois même investir en louant la poterie et la main d'oeuvre [9]. Mais ces cas restent des exceptions. Le déclin est inéluctable. Et à l'aube de la 1ère Guerre mondiale, ne subsistent que 5 potiers qui se cantonnent à des produits utilitaires d'intérêt local (pots, auges à animaux...). Un seul tentera la création de céramiques artistiques, Gallet, mais il fait faillite au début des années 1920.
Le dernier potier Henri Lheriau cesse ses activités en 1962. Doué pour le tournage de la terre, il crée des tubes à blanchir les légumes, des auges à lapin, des pots de fleurs, des réchauds à braise mais aussi des gargoulettes, des pots à tabac, des paniers, des dînettes pour les enfants, des vases de formes variées.

Qu'est-ce qu'une poterie ?
D'après les archives de la fin du XVIIIème siècle, c'est une une petite maison avec deux chambres basses dont une sert parfois de boutique, une petite antichambre à côté, deux chambres hautes avec un grenier, une loge couverte au rez-de-chaussée et un jardinet. Souvent les espaces de vie et de travail son mêlés. Le four individuel est rare. On suppose qu'il existait des fours communs à plusieurs potiers, ce qui allégeait l'investissement.

Les potiers
Nous avons répertorié à ce jours 171 potiers entre le XVème et le XXème siècle à Saint-Porchaire.
On est potier de père en fils et dans la très grande majorité des cas, propriétaire de sa poterie. La propriété du bien se transmet par héritage et par mariage, par le truchement des hommes comme des femmes. On commence comme apprenti ou garçon potier puis l'on devient potier et/ou maître potier [10]. A côté de ces professionnels existe une population non qualifiée à qui l'on confie des basses besognes ne requérant aucune compétence particulière, en particulier le ramassage du bois et la fabrication des fagots de "fournille" et l'extraction de l'argile des "carrières".
Au XVIIIème comme au XIXème siècle, les plus aisés n'investissent pas dans une autre poterie ou dans l'agrandissement de leur outil de travail, mais dans une ou plusieurs métairies à affermer. Tous gardent donc un lien étroit avec l'agriculture. Le seul investissement pouvant s'apparenter à une fabrication industrielle ou proto-industrielle est réalisé par le seigneur du village, le Sieur de Liniers qui fonde la manufacture de faïences en 1770 ; aventure que nous rencontrerons en détail en troisième partie.
On peut résumer grossièrement près de 1 200 ans de fabrication de poteries utilitaires par une accumulation de savoir-faire qui aboutit à la réalisation à moindre coût de céramiques solides et adaptées aux besoins des ruraux, mais qui ne pourra pas résister aux coups de boutoir des productions issues des révolutions économiques et technologiques du XXème siècle. Dans le même temps, la pérennité de cette activité montre que la production des céramiques utilitaires a constitué un apport économique intéressant pour les populations.

L'ORFÈVRERIE DE TERRE
Bien différente est la problématique relative à "l'orfèvrerie de terre".

Entre 1525 et 1555 environ, des potiers-artistes ont créé pour l'entourage royal et les Grands du royaume (Laval-Montmorency, Louis de Bourbon...) des objets de prestige en terre cuite, parmi les plus compliqués à réaliser de toute l'histoire de la céramique. Il en reste environ 70, dispersés dans les plus grands musées du monde, et Parthenay ! Leur structure est composée d'une argile difficile à tourner, très blanche, très proche de celle que l'on trouve entre Parthenay et Bressuire. Recouverte d'une glaçure épaisse en matière stannifère elle a pris une couleur ivoire. Les décors sont extrêmement fins, inspirés de l'art de la reliure, de l'architecture et de l'orfèvrerie. Les yeux se perdent ainsi parmi les entrelacs et les arabesques composés soit de traits de peinture, soit d'estampages (incisions) que l'artiste remplissait ensuite avec de l'argile d'une autre couleur, l'orange par exemple. Ils étaient réalisés sur des bandeaux d'argile, que l'on appliquait sur la pièce, comme une décalcomanie. Des fleurons, des grotesques, des masques et des angelots posés en applique ajoutaient du volume à la pièce. A la fin de la période de production, les artistes ajouteront des lézards et autres bêtes fixées en applique, comme a pu le faire Bernard Palissy sur ses propres pièces.
L'érudit vendéen Benjamin Fillon est le premier à proposer en 1864 les Deux-Sèvres comme terre d'origine de ces fameuses faïences, plus précisément le château de Oiron [11]. C'est le début de la longue polémique, toujours en cours, sur la localisation de ces fameuses céramiques. En 1888, l'historien de l'art Edmond Bonaffé attribue l'origine de ces faïences à Saint-Porchaire, près de Bressuire [12]. Il s'appuie essentiellement sur des archives de la famille de la Tremoïlle, dont dépendait le village de Saint-Porchaire. En voici 2 exemples. Le premier est issu de l'inventaire après-décès de François de la Tremoïlle dressé au château de Thouars en 1547 : "Dans son cabinet se trouvent 2 coupes de terres de St-Porchaire et une grande bouete plate en carré de deux pieds de long en laquelle a esté trouvé deux sallières de St Porchaire". Trente ans plus tard, l'inventaire après décès de Louis III de la Tremoïlle, fils du précédent, est dressé au même château de Thouars. Il précise "au cabinet de Monseigneur [...] a esté trouvé de la vesselle de terre d'Angleterre et d'autre faicte à Saint-Porchayre".
E. Bonaffé développe d'autres indices assez convaincants [13]. Toutefois, il manque la preuve absolue, la découverte de l'atelier avec ses rejets de cuisson.
Mais, quelque ait été la production à Saint-Porchaire au milieu du XVIème, les écrits attestent d'une renommée certaine. Dans le Guide des chemins de France édité par Charles Estienne en 1552, l'auteur décrit les itinéraires " notables pour la renommée et la fréquentation des lieux". Entre Thouars et Bressuire, il mentionne "St-Porchere beaux pots de terre".
La question demeure aujourd'hui, qu'étaient ces beaux pots de terre ? En reste-t-il enfouis sous le sol du village ?

LA FAIENCE DE SAINT-PORCHAIRE
Deux siècles plus tard, "l'orfèvrerie de terre" est oubliée. La seconde moitié du XVIIIème siècle voit s'affirmer le triomphe de la faïence [catalogue expo musée de B, faiences]. La demande est si importante que tout au long du siècle, des faïenceries voient le jour sur tout le territoire. Dans les Deux-Sèvres, Parthenay est pourvue d'un établissement en 1761, Chef-Boutonne en 1776, Rigné, près de Thouars en 1774 et Saint-Porchaire en 1771.
A cette date, le chevalier François Louis de Liniers, seigneur de la Guionnière et de la chatellenie de St Porchaire est l'homme le plus riche des environs. Par sa condition, il reçoit le cens pour les terres dont il est le seigneur (mais pas forcément le propriétaire). Il possède seize métairies, une borderie, deux maisons dans le bourg et un ou plusieurs fours. Lui appartiennent une partie des terres où l'on extrait l'argile ainsi que les taillis et bois qui fournissent les potiers en combustible. Bien entendu ces fournitures ne sont pas gratuites et comme dans le reste du Poitou, les potiers devaient sans doute s'acquitter de droits d'exploitation. Enfin, M. de Liniers est un entrepreneur puisqu'il fait fabriquer des pots de terre qui sont d'après l'Intendant Blossac, de très bonne qualité.
ecuelleVoulant encore développer ses activités, il fait installer sa faïencerie (vraisemblablement le local et le four spécial destiné à la cuisson des faïences) dans des bâtiments lui appartenant, à la sortie du bourg, au bord du chemin de Noirterre et de Thouars. Il a fait appel à des "bons ouvriers", certains dotés d'une expérience dans la fabrication de faïence. Vraisemblablement des faïenciers de Nevers [14]. Charles Merle a noté plusieurs homonymies entre des ouvriers de Saint-Porchaire et de Nevers. Michel Boyer par exemple, qui semble avoir dirigé la manufacture jusqu'en 1782. Les assiettes à émail blanc et les autres à "cul noir" (revers recouvert de manganèse) que l'on attribue généralement à Saint-Porchaire pourraient avoir été fabriquées durant cette période.
Fabriquant lui-même de pots, M. de Liniers a dû ressentir les conséquences néfastes pour les potiers traditionnels de l'essor de la faïence qui retirait aux ateliers ruraux la clientèle bourgeoise et aristocratique [15] [J. Chapelot pour le Rochelais.] La création de la faïencerie a pu être la solution, pour conserver ses revenus ou encore pour développer de nouveaux marchés.
Aristocrate éclairé, M. De Liniers semble également avoir voulu faire acte d'intérêt général. Dans une supplique adressée au Conseil du Roi en 1777 il fait écrire [16] : "Il y a environ 6 ans, la cherté des grains ayant occasionné beaucoup de misère parmy le peuple, le suppliant, pour faciliter aux habitants de ce bourg qui estoient sans ressources les moyens de subsister et d'élever leur famille, entreprit d'y établir une manufacture de fayence [...] Il a réussi par là à occuper et à faire vivre un grand nombre d'habitants qui auparavant languissaient dans la pauvreté". Il est vrai qu'il y eut des crises frumentaires dues à des hausses du prix du blé en cette période.
Malgré l'installation d'un concurrent sérieux à proximité (Rigné), la faïencerie fonctionne en s'appuyant sur la main d'oeuvre locale et extérieure dont quelques faïenciers de Nevers... D'après l'Intendant Blossac, ces faïences sont de mauvaise qualité. Mais nous ne les connaissons pas.
A la veille de la Révolution, l'établissement et les poteries occupent plus d'une soixantaine de personnes dont une vingtaine d’ouvriers, selon les normes de l’époque. Mais, pendant les Guerres de Vendée, la faïencerie est pillée et brûlée ainsi que ses archives. Elle est confisquée à De Liniers, pourtant partisan de la Révolution à ses débuts, avec ses autres propriétés parce qu'il a émigré à l'étranger. C'est le début d'une succession d'achats et de reventes. Un des propriétaires les plus notables est Jacques Aubin, un avoué bressuirais, qui tente à partir de 1821 de relancer la manufacture. Il procède à plusieurs essais qui sont conservés aujourd'hui au musée de Sèvres. Mais c'est un échec. En 1836, le marchand faïencier de SP Gédéon Gauvain rachète l'affaire et la garde jusqu'en 1854, année de fermeture de l'établissement.
Trois types de productions céramiques, du savoir-faire et de l'excellence, 1200 ans de création, quelques traces ténues dans le sol, de rares archives, quelques pièces dans les musées. Malgré les efforts de B. Fillon, E. Bonaffé, C. Merle et bien d'autres, la longue et riche histoire des potiers de Saint-Porchaire demeurent encore largement ignorée. De belles pages doivent encore être écrites. Nous espérons que des découvertes archéologiques, des rencontres permettront d'enrichir le corpus et nos connaissances...

[1] J.P. Baigl, Rapport de fouilles de la Ferrière, DFS de sauvetage urgent, déviation de Bressuire,RN 149, Service Régional de l'Archéologie Poitou-Charentes, 1994
[2] C. Ballarin, Une production potière carolingienne à la Ferrière (Deux-Sèvres), bulletin de l'AAPC n°28, 1999, pp.42-47
[3] Alain Champagne, L'artisanat rural en Haut-Poitou, milieu XIV-fin XVIe siècles, P.U.R., 2007
[4] Jean Chapelot (dir.), les potiers de Saintonge, huit siècles d'artisanat rural, éd. Musées nationaux, 1975
[5] Archives Départementales des Deux-Sèvres, rapport du Préfet Dupin 6M510
[6] Op. Cit.
[7] T. Lukomski, Petit dictionnaire statistique et historique des communes du département des Deux-Sèvres, Niort, 1858-1860]
[8] Archives privées
[9]Le 22 juin 1802, les marchands saumurois Etienne Chevalier et Florent Richard fournissent au potier Pierre Brouanssard une maison, une poterie, la terre, le plomb et le bois en échange de la vente de sa production de 8 fournées par an pour un prix en dessous du marché, A. D. Deux-Sèvres, 3E11289
[10] Les textes ne permettent pas de distinguer les nuances entre ces deux termes
[11] Benjamin Fillon, L'art de la terre chez les Poitevins, Niort, 1864
[12] Edmond Bonaffé, les faïences de Saint-Porchaire, Gazette des Beaux-Arts, T13, 3e période,Paris, janvier 1888 et T.15, 3e période, janvier 1896
[13] Op. Cit
[14]Charles Merle, Itinéraire d'un historien bressuirais, HPB, 2003
[15]Jean Chapelot, Op. Cit.
[16]Archives Nationales, F12 1497B

Toutes les photos sont prises par le musée et tous les objets appartiennent au musée sauf la terrine Godrie (dépôt du musée Henri Barré de Thouars).

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